- Viens voir, Tom, dit-il à mi-voix. Viens les regarder.
Je ne bougeai pas.
- Tu entends, petit ?
Je me levai. La force de l'habitude. J'allai à la porte à côté de P'pa.
- Regarde-les, murmura-t-il. Regarde-moi ça. Vingt-cinq mille dollars !
On aurait cru entendre le démarcheur.
- Vingt-cinq mille dollars !
Il s'apprêtait à le répéter une troisième fois, mais sa voix se brisa au milieu du vingt-cinq et il n'alla pas plus loin.
- Que Dieu damne son âme immortelle, psalmodia-t-il.
Et je le répétai après lui.
- C'est de sa faute ! Tout est de sa faute ! Il est pas digne de vivre !
- Non, dis-je, il n'en est pas digne.
P'pa tourna une seconde les yeux vers moi, mais il faut croire que les derricks étaient un spectacle autrement fascinant. Et, pour lui aussi, l'habitude était une seconde nature. En tous cas, si l'idée l'effleura que nous ne maudissions pas la même personne, il n'en laissa rien paraître.
Deuil dans le coton ( Jim Thompson ) ( 1952 ) pp 55-56 ( Folio Policier )
Titre original : Cropper's cabin